Magnus Hirschfeld, 1908. Le troisième sexe. Les homosexuels de Berlin, Paris: Jules Rousset, 1908
La data della prefazione firmata dall’autore è il 1 dicembre 1904. Il testo qui: https://archive.org/details/bub_gb_82pJAAAAIAAJ e qui: https://archive.org/details/bub_gb_YXthDNr69RQC
Di seguito, alcuni passi
[p.14] Je connais plus d’une femme à Berlin qui, chez elle, vit complètement comme un homme. Une des premières que j’eus l’occasion de voir attira mon attention durant une fête à la Philharmonie par sa voix profonde et ses gestes masculins. Je fis sa connaissance, et sollicitai la permission de lui [p.15] rendre visite. Lorsque, l’après-midi du dimanche suivant, au crépuscule, je sonnai à sa porte, un jeune homme vint m’ouvrir. Un chien sautait autour de lui; une cigarette fumait entre ses doigts. A ma question : «M.lle X… est-elle chez elle? voudriez- vous lui passer ma carte, je vous prie.» «Avancez un peu, répondit en riant le jeune homme, c’est moi-même. » Je pus constater que, dans son intérieur, cette jeune fille vivait absolument comme un homme. C’était une brave personne, qui, ayant pris la vie courageusement, déclina maint parti avantageux, parce que, disait-elle, elle s’en serait voulu d’induire un homme en erreur.
[p. 54] Les dames uraniennes préfèrent les pâtisséries; ainsi dans le quartier Nord de la ville se trouve une pâtisserie qui n’est fréquentée de quatre à six que par des femmes uraniennes israélites qui y prennent leur café, lisent les journaux, causent et jouent au skat et surtout aux échecs.
[p. 65] Les femmes uraniennes portent également — dans les milieux où elles fréquentent et dans les cercles qui sont nombreux, — des noms analogues. Seulement chez elles, contrairement à ce qu’on rencontre chez les hommes, nous trouvons de simples prénoms et non des sobriquets se rapportant à telle particularité de leur individu; du reste elles montrent une prédilection marquée pour les noms monosyllabiques comme: Fritz, Heinz, Max, Franz, surtout, Hans; on trouve aussi des Edmonds, des Arthurs, des Oscars, des Rodolphes.
[p.79] Dans une des grandes salles, dans lesquelle les uraniens donnent leurs bal, a lieu aussi, presque chaque semaine, un bal analogue pour uraniennes: beaucop viennent en costume d’homme.Une fois par an on peut voir réunies, en costume approprié, chez une dame de Berlin, la plupart des femmes homosexuelles. La fête n’est pas publique; l’accès n’en est généralement ouvert qu’aux personnes qui sont connues du comité de dames. Une assistante m’en communique une description typique : «Un beau soir d’été, à partir de 8 heures, voitures sur voitures s’arrêtent devant un des premiers hôtels de Berlin; des dames et des messieurs en costume de tous les pays et de tous les temps en descendent. Ici on voit un étudiant en costume de sa corporation, cinglé d’une énorme écharpe, là un monsieur en costume rococo aide galamment sa dame à descendre d’équipage. Les vastes emplacements, brillamment illuminés, se remplissent rapidement; maintenant entre un gros capucin et il est salué respectueusement par tous ces tziganes, pierrots, matelots, clowns, boulangers, valets, beaux officiers, Boërs, Japonais [p.80] et par les charmantes geishas. Une Carmen aux yeux pleins de feu, mais un jockey en extase; un Italien se lie d amitié avec un bonhomme de neige. Toute cette assemblée bigarrée, joyeuse et pleine d’entrain offre un spectacle vraiment curieux. D’abord les convives se réconfortent devant les tables bien servies et ornées de fleurs. La maîtresse de maison en robe de velours flottante, salue ses hôtes en un speech court et énergique. On enlève les tables. Les sons du «Danube bleu» retentissent et la danse commence. On entend, des salles voisines, les rires, les cliquetis de verres et les chants entraînants, mais nulle part on ne verra franchir les bornes de convenances. Aucune dissonance ne trouble cette joie générale, jusqu’au moment où toutes les convives quittent ces lieux, dans lesquels elles ont pu, au milieu de leurs semblables, rêver pendant quelques heures. S’il vous arrive une seule fois de participer à une fête pareille, — conclut Mme R…, vous en sortirez persuadé, pour le reste de votre vie, que les uraniennes sont injustement calomniées, que, là comme partout, il y a de braves gens et de mauvaises gens, bref que la disposition homosexuelle ne peut pas être une marque décisive de malhonêteté. Exactement comme chez les hétérosexuels il y a là du bon comme mauvais.
[p. 89] Les prostitués masculins se divisent en deux groupes: en normaux et en «authentiques» ou vrais homosexuels. Ces derniers sont en grande partie très efféminés et portent même parfois des robes de femmes, particularité très mal vue par [p.90] les femmes prostituées. Cela constitue presque l’unique casus belli entre les deux camps, car l’expérience enseigne que sans cette fraude sur la qualité de la marchandise, les deux prostitutions ne peuvent pas se voler leurs clients. Une prostituée assez instruite, à laquelle j’ai demandé les raisons de cette bonne entente entre les prostitués hommes et femmes, m’a répondu : «Nous savons bien que chaque «michet», veut être contenté à sa façon.» Nous trouvons parmi les prostitués berlinois des accouplements bien drôles. Ainsi un prostitué normal, homme, qu’on appelle «Papenluden» s’associe souvent avec une prostituée normale, femme, en vue du «travail» en commun; on m’a parlé d’un couple composé du frère et de la sœur qui tous les deux s’adonnaient à ce métier humiliant; souvent aussi deux femmes prostituées et deux prostitués hommes vivent ensemble et il arrive enfin, que les prostituées femmes prennent pour souteneurs des hommes prostitués homosexuels qu’elles considèrent comme moins brutaux que leurs collègues hétérosexuels. C’est un fait connu que parmi les femmes prostituées, il y a un grand nombre d’homosexuelles, [p.91] environ 20 0/0. On peut s’étonner de cette contradiction apparente, car cette marchandise sert avant tout à la satisfaction sexuelle de l’homme. On croit souvent que c’est à cause de leurs sentiments émoussés, mais ce n’est point le cas, car il est prouvé, qu’elles avaient des sentiments homosexuels avant de se livrer à la prostitution et elles considèrent la vente de leurs corps, comme une simple affaire d’argent qu’elles font par pur et froid calcul. Egalement originales sont les relations amoureuses entre les deux prostitués. Le système des «deux morales» a pénétré jusque dans ces classes, car tandis que l’associé mâle active, «le père» se sent indépendant et se permet d’autres fréquentations intimes en dehors de sa chambre à coucher, il exige de sa moitié féminine, passive, la plus grande fidélité quant aux rapports avec d’autres homosexuels. La découverte d’infidélité expose la femme aux sévices; il arrive même que la partie mâle défend à la partie femelle de s’adonner à ce métier, pendant que dure cette union amoureuse. La prostitution féminine des rues de Berlin entretient aussi des relations multiples avec les femmes uraniennes des classes appartenant au [p. 92] meilleur monde; elle ne se gêne point de faire, aux femmes qui lui paraissent être uraniennes, des propositions dans la rue. Il faut faire remarquer que les prix pour femmes sont en moyenne moins élevés et que parfois on se refuse même tout honoraire. Une jeune dame, qui, du reste avait bien un aspect homosexuel, m’avoua que des prostituées lui faisaient dans la rue des offres de 20 marks et même plus.